Bees-Coop : Rendre l’alimentation durable accessible à tous ?

Le projet est déjà bien avancé, et ce sera une première en Belgique : le supermarché coopératif Bees-Coop devrait ouvrir ses portes à Schaerbeek dans quelques mois. Un seul modèle pour l’instant (voir encadré), et non des moindres, l’historique Park Slope Food Coop de Brooklyn, qui tourne à plein grâce à ses coopérateurs depuis 1973. De l’alimentation durable, des modes d’approvisionnement aux mains des membres de la coopérative… comment ce modèle né dans un quartier new-yorkais aisé peut-il s’exporter dans un environnement social complètement différent, rue Van Hove, au sein de la communauté turcophone de Schaerbeek, et à 5 minutes à pied de Saint-Josse ?

Au début de Bees-Coop, une des choses fondatrices, c’est de rendre l’alimentation durable accessible à tous. Et de faire en sorte que les membres de Bees représentent la diversité sociale et culturelle du quartier dans lequel il s’implanterait », explique Martin, l’un des membres fondateurs. Pour cela, la coopérative a créé une cellule de réflexion dédiée à la mixité, elle-même définie en trois types : sociale, culturelle et intergénérationnelle. « L’idée c’était vraiment de dire : nous [membres fondateurs], on est ce qu’on est. On vient avec notre passé, notre formation, notre gueule de Blanc. Et, il faut qu’on arrive à casser ça. Comment est-ce qu’on va faire pour toucher le public sans créer de la violence symbolique ? ».

Proposer une alimentation de qualité, à l’impact environnemental et sociétal acceptable, tout en évitant de n’attirer que la frange gentrifiée de la commune ? Pour ne pas mettre à distance une partie du public schaerbeekois, l’image d’un supermarché bio élitiste doit être partiellement déconstruite. Les membres de Bees-Coop ont d’abord dû trouver un équilibre entre tous leurs objectifs : certes, leurs prix ne pourront pas rivaliser avec ceux des hard-discounters, mais les produits n’y seront pas exclusivement bio. Ils devront être de qualité, au meilleur prix, et non-issu de l’agriculture dite conventionnelle. Avec l’aide d’asbl du quartier des Coteaux comme le Gaffi, ils étudient les habitudes alimentaires des familles du quartier, y adaptent leur offre, et repensent leurs outils de communication pour un public moins connecté. Ils font du porte-à-porte, travaillent sur un affichage autour de la rue Van Hove, font passer le mot à la Maison de la famille ou à Bouillon de CultureS, préparent des ateliers de sensibilisation à l’alimentation durable pour des publics précaires. De tout cela, « un indicateur de réussite ce serait de voir, par exemple, qu’il y a des femmes musulmanes qui font leurs courses chez Bees », poursuit Martin. Pour autant, « je trouve ça très compliqué de se donner des objectifs chiffrés. Alors, ça veut dire que Bees se positionnerait comme un enquêteur qui viendrait regarder, dresser la carte d’identité de chaque collaborateur pour voir s’il est dans le revenu médian ou les revenus pauvres, s’il est jeune ou vieux. Je pense que ça [la mixité] se sentira et que ça se verra ».

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L’expérience Bees-Coop, en terme de mixité, est suivie de près : la coopérative prend part à la recherche-action menée par un laboratoire de l’ULB, avec un financement de la Région Bruxelles-Capitale. Véritable terrain d’expérimentation pour ces chercheurs, le projet Bees-Coop l’est également sur d’autres sujets, comme la gouvernance. Collectiv-a, qui travaille sur l’intelligence collective, y a par exemple organisé une « élection sans candidat » pour le CA, avec une soixantaine de participants. « Bees pour Collectiv-a c’est un peu leur terrain de jeu, explique Martin. L’élection sans candidat, c’était une première tant pour Collectiv-a que pour Bees, et c’était très chouette. On teste, on expérimente différentes choses avec eux. » Les nombreux questionnements de Bees-Coop, leurs mises en pratiques et leurs conclusions sont partagés avec d’autres supermarchés coopératifs en développement, comme La Louve à Paris, avec l’espoir de rendre ces expériences réplicables, si elles étaient concluantes. Rendez-vous donc dans quelques mois, au 19 de la rue Van Hove, pour voir le résultat ; d’ici là, si vous voulez prendre part au projet c’est désormais possible.

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Qu’est-ce qu’un supermarché coopératif ?

Un supermarché en coopérative est un lieu d’approvisionnement dont les clients sont à la fois propriétaires et travailleurs-bénévoles. La coopérative Park Slope de Brooklyn (« Good food at low prices for working members » ), compte aujourd’hui 16. 200 membres, qui travaillent gratuitement 2h45 toutes les quatre semaines pour faire tourner le magasin. Le travail des membres coopérateurs, ainsi que l’achat en vrac et la transformation sur place, permettent de baisser les coûts et donc de vendre des produits sains et de bonne qualité à des prix démocratiques. Chaque membre possède des parts de la coopérative ; il peut donc prendre part aux assemblées générales et donner son avis sur l’orientation du groupe. Le Park Slope Food Coop est par exemple connu pour ses boycotts de produits, comme ceux provenant d’Afrique du Sud lors de l’apartheid, ou toutes les marques du géant Coca-Cola, pour ses pratiques environnementales et sociales jugées incompatibles avec l’esprit de la coopérative.

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Texte : Isabelle

Photo : Bees-Coop

Dessin : Lux

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