Je suis assistante sociale psychiatrique de formation, je cherchai un bénévolat dans mon quartier, qui soit en rapport avec la santé mentale, en ambulatoire, j’ai mis du temps à trouver ce bénévolat. Je l’ai trouvé à 800 mètres de chez moi. Depuis un peu plus de deux ans, je me rends chaque lundi en tant que bénévole à la Gerbe pour y tenir une permanence, je dépanne l’équipe en réunion, les réunions se succèdent : équipe, institutionnelle, supervision…
La Gerbe a fêté ses 40 ans, l’association est située rue Thieffry, dans une vieille et grande bâtisse schaerbeekoise. Elle se fond dans le quartier. Mon travail consiste à ouvrir la porte, accueillir les visiteurs, la patientèle de l’équipe « enfant » et les installer dans les salles d’attentes respectives. Les lundis matins, le plus souvent, l’équipe reçoit des enfants accompagnés de leurs parents, mais aussi des enfants placés en famille d’accueil. Ce sont des situations le plus souvent délicates et toujours émouvantes.
Je passe aussi mon temps à offrir du café aux patients. Je m’amuse à dire que je fais « garçon de café », mais ce n’est pas ça ! Offrir un café aux gens qui attérissent à la Gerbe à une fonction capitale, humaine, conviviale. Je réponds aussi au téléphone et durant toute la matinée je suis en contact avec les patients, leurs familles, mais aussi tout le réseau : des écoles, des hôpitaux, une véritable photo instantanée de l’univers de la santé mentale à Bruxelles.
Un peu avant 13 heures, les membres de « L’Heure Atelier » arrivent. Cet atelier situé au sous-sol est un centre de créativité. Françoise, Marie et Claude y proposent un vrai défi artistique : l’espace est ouvert à toute personne désireuse de mener un travail, une réflexion autour de l’art, quelque soit son histoire, sa motivation. La démarche peut être collective ou individuelle. Une petite particularité : les animateurs sont des artistes et leur démarche est avant tout artistique. Il y a régulièrement des expositions du travail réalisé mais aussi de fréquentes visites d’expositions.
Les activités proposées sont diverses et variées : de la photographie, du dessin, de la peinture, de l’écriture, de la sculpture. Une fois par semaine, les vendredis, les patients séjournant à Enaden et Titéca y sont également accueillis. Une fois par mois, il y a le café papote. Les membres de « l’heure atelier » y participent. C’est Lisette, la secrétaire et assistante sociale, et Didier, un psychologue de l’équipe adulte, qui s’en chargent. Un savoureux repas est préparé, ceux qui le souhaitent peuvent mettre la main à la pâte. Une sortie culturelle est proposée une fois par mois, via l’article 27 .
Depuis quelques mois, je participe également au cours de gymnastique de Mémoire Vivante ; le cours est donné le jeudi après-midi au centre Rasquinet, un magnifique écrin de verdure. Le jeudi après-midi, l’activité est avant tout de la gymnastique douce, tonique, alliant différentes disciplines yoga, relaxation. Le cours est ouvert aux seniors et aux personnes handicapés. Une participation financière de 2 euros est demandée.
J’y ai revu mon ami Diogène, je lui ai donné quelques exemplaires d’Ezelstad, en insistant sur l’article « Rencontre délicieuse à La Carotte ». Deux semaines plus tard , je revois Diogène à la terrasse de restaurant Sésam ; il était avec son fils Mede, il avait lu l’article le concernant. Il y avait deux autres dames, membres de Mémoire Vivante. Ils avaient tous un sourire amusé ; ils avaient lu l’article et émettaient de temps un temps un petit commentaire. Diogène s’est levé et nous a proposé un dessert. La semaine qui suit Diogène m’a offert deux livres, nous avons échangé nos numéros de téléphone. Au bout de quelques semaines, Diogène me dit qu’il ne viendra plus au cours, qu’il se lasse, il va faire du tai-chi ou autre chose de plus élaboré. Quelques semaines plus tard, il revient suite à une petite intervention chirurgicale ; privé de son sport favori – la natation – il doit se rabattre sur la gymnastique de La Gerbe. Il dit être très content, les mouvements lui permettent d’entretenir sa mobilité. Après l’effort le réconfort : à 15 h., Vinciane, l’animatrice de La Gerbe, nous invite à la pause. Café, chocolat et biscuits sont partagés. Les langues se délient.
Par petits groupe, les gens se parlent, échangent autour de leur expérience, parlent quelque fois de leur corps, des soins donnés aux corps et aussi du cours de gym et de ses bienfaits. Diogène me raconte le combat du prêtre ouvrier pour faire du parc un espace de « bien commun ». Le maître des lieux c’est le chat, je suis sûre qu’il a sa patientèle. Je suis la première à le consulter. Des fois il reçoit de somptueuses croquettes de la part d’un membre de mémoire vivante, sans doute est- ce là une sorte d’honoraires? Il passe son temps au sous sol à l’atelier, dans la cour, dans une vieille niche de chien, ce qui entre nous n’a pas l’air de le perturber. Les membres des équipes enfant et adulte le nourrissent à tour de rôle, certains habitués le réclament, il est la coqueluche des enfants. Il y a cependant des endroits qui lui sont interdits : les salles de consultation. Mais aussi depuis que les fauteuils on été remplacés : le local de la permanence, mon antre du lundi matin.