Une petite annonce au supermarché attire mon attention : « Cours de dessin à Schaerbeek, tout le monde sait dessiner. Cours particulier près de la place Jamblinne de Meux« . Un numéro de gsm. Bertrand me reçoit dans son appartement au deuxième étage dans une avenue arborée où il vit avec sa femme photographe. Pendant le cours, il garde un œil sur son fils deux ans et demi, nous nous installons autour de la grande table. Tous les vendredis je redécouvre ce plaisir simple : dessiner. « Tout le monde peut dessiner, tout le monde sait dessiner » répète le professeur. Observer, reproduire…
Le dessin n’est pas mon mode d’expression favori. Qu’est-ce qui me prend de vouloir apprendre à dessiner ? Le prof est jeune, il a la quarantaine, il fait régulièrement des pauses pour fumer des cigarettes qu’il a soigneusement roulées. En plus du dessin, il donne des cours de guitare et cuisine pour les bonnes sœurs : elles sont gourmandes les sœurs me dit-il. Son café est infect, pâteux, le thermos qu’il me tend à l’air d’être rescapé d’un tremblement de terre.
De semaine en semaine, j’apprends à regarder, à choisir un angle de vue, à dompter la perspective. Accolé au mur un vieux poste de radio diffuse les émissions d’une chaîne française, des mots, des intonations neuves, aujourd’hui c’est de Jean Genet, dont on cause : des « bonnes » , ces deux sœurs criminelles qui ont défrayés la chronique dans les années 50, du soutien de Jacques Lacan et d’autres choses… Dessiner n’est pas aisé, je suis bousculée dans mes certitudes. Quelquefois, je parle de ce frère disparu trop tôt, il dessinait si bien, c’était sa passion, presque son métier. De souvenir en souvenir, de dessin en dessin, le deuil s’adoucit. Je n’avais jamais pensé au paravant qu’un cours de dessin pouvait dénouer les nœuds et devenir un cours de dessein.
_
Par Habiba