Si tu ne sais pas venir jusqu’ici, je t’y emmène,
Je t’écris de cette rue pavée, j’habite à la frontière d’un quartier populaire, c’est un entre-deux, cela me correspond. Pareil au parfum suave de menthe fraiche posé sur l’étal d’Ali l’épicier place des Bienfaiteurs et à la saveur acidulée des beignets aux pommes de Martine marchande ambulante place Dailly. En semaine, ma rue est un peu bruyante à cause des voitures, la maison est vétuste, des petits appartements bon marché sans grand confort, le propriétaire est chirurgien on espère qu’il prend plus de soin avec ses patients qu’avec sa baraque.
J’ai les yeux rivés au dehors, depuis quelques mois ma voisine d’en face est triste, à quoi me sert d’avoir un forfait pour les Etats-Unis si je ne peux même pas parler à mes voisins. Au coin de la rue vit une dame seule, elle fait des courses à longueur de journée, elle sort régulièrement de chez elle et semble parler à des gens que je ne vois pas. J’ai essayé de lui parler c’est comme si elle ne m’apercevait pas, heureusement, elle tient un blog, un vrai, en verre et en pierre, elle affiche régulièrement ses pensées, ses dessins à sa fenêtre, des lettres adressés à des docteurs, on ne sait jamais quelquefois que ses médecins passeraient par là!
En face vit un couple, Pétronille et Alphonse en hiver ils hibernent, je croise quelquefois Alphonse au supermarché, il s’occupe de tout : du ménage, des courses, de la cuisine, de sa femme qui a besoin d’être aidée, en été la porte est grande ouverte, Pétronille salue tous les passants, elle chante quelquefois l’Ave Maria, des fois je la retrouve sur le pas de la porte à moitié habillée, je lui demande gentiment de mettre un pantalon. Mes voisines, je veille sur elles, Mais peut-être ce sont elles qui veillent sur moi.