Dans cet article, on a cherché à retracer l’histoire du carnaval de Schaerbeek. Et, on a découvert, avec étonnement, que le premier cortège carnavalesque de la cité des ânes datait de… 1894. La réalisation de l’affiche avait alors été confiée au maître incontesté du Sgraffite : Privat-Livemont.
1894 : Le Grand Cortège Carnavalesque du Comité de la Presse Schaerbeekoise
Les origines du carnaval de Schaerbeek ne remontent pas au début de XXème siècle, comme cela a souvent été dit et répété, mais à la fin du XIXème. A l’époque, les journaux schaerbeekois se comptent par dizaines. Et, c’est une association de presse locale qui lance le tout premier Cortège Carnavalesque local, en 1894, au profit des oeuvres de charité de la commune. Pour faire connaître l’événement, ils confient la réalisation de l’affiche au jeune peintre et affichiste Privat-Livemont. « Dans cette troisième affiche, l’artiste se détache progressivement de l’atmosphère pompeuse de la fin de siècle en campant, sous une très audacieuse typographie à caractère végétal, un Pierrot stylisé et une jeune femme au profil élégant. Les yeux sont mi-clos, les cheveux se dénouent peu à peu, les doigts sont effilés » (B. Schoonbroodt et al., 2007).
Ici, le Pierrot stylisé est probablement un clin d’oeil au poète symboliste décadent Albert Giraud. Ce fils de commerçants – originaire de la ville de Louvain – s’installe à Schaerbeek après des études de philosophie et lettres. Il devient critique littéraire, puis, à partir de 1883, auteur. On lui doit notamment un recueil de poèmes intitulé « Pierrot Lunaire » (1884). Sa statue orne aujourd’hui le parc Josaphat et une rue schaerbeekoise porte son nom …
Arlequin porte un arc-en-ciel
De rouges et vertes soieries,
Et semble, dans l’or des féeries,
Un serpent artificiel.Ayant pour but essentiel
Le mensonge et les fourberies,
Arlequin porte un arc-en-ciel
De rouges et vertes soieries.
A Cassandre jaune de fiel
Il dénombre ses seigneuries
En Espagne, et ses armoiries :
Car sur fond d’azur et de miel
Arlequin porte un arc-en-ciel.Albert Giraud, Pierrot Lunaire, Rondels Bergamasques, 1884 (réédition en 1898)
1903 : Le Cortège Carnavalesque du Cercle Colignon-Attractions
Le 10 mars 1902, une série de commerçants de la place Colignon – Louis Sobry, Armand Simon, Jean-Baptiste Susant et Emile Goessels – créent le »Cercle Colignon-Attractions » (aussi appelé « Cercles de Intérêts matériels »). Une de leurs premières initiatives sera de relancer la tradition du cortège carnavalesque. De 1903 à 1914, cette association de commerçants organise le carnaval en lien avec l’administration communale, le tout au profit d’une association caritative d’aide aux enfants démunis : « le bon lait pour les petits ».
La tradition se perdit pendant la première guerre, et réapparut ensuite en 1921, sous l’impulsion du conseiller communal Léopold Cromps. « Aidé de quelques collaborateurs – explique Léon Verreydt – il remit sur pied, en 1921, le cortège carnavalesque qui obtint un réel succès, malgré le faible subside de 3000 francs dont il bénéficia. Sous cette impulsion, les membres du Cercle parvinrent à renouer la tradition et le cortège carnavalesque eut lieu à nouveau chaque année. Le comité d’honneur du Cercle eut le privilège d’obtenir le haut patronage de Jean Meiser, le bourgmestre de la commune à l’époque » (Verreydt, 1999, p. 19).
La tradition refit encore surface en 1946 – sous l’impulsion d’Emile Xhignesse et Edmond Van Rolleghem. « En 1955, le 45ème carnaval dans l’ordre chronologique, restera tout particulièrement dans les annales. Ce fut une année exotique. On y vit des martiens, un sultan et son harem et même des cosaques. En prologue au cortège carnavalesque, le « Cercle Colignon-Attractions » procéda, au cours de la soirée de gala, à l’élection d’une Miss Schaerbeek et de ses demoiselles d’honneur » (Verreydt, 1999). Le Cercle cessa définitivement ses activités en 1978, et le carnaval avec lui …
1998 : Le Schaernaval
Le 28 mars 1998, un échevin schaerbeekois ressuscite notre tradition carnavalesque sous la forme d’un nouveau cortège baptisé le « Schaernaval ». Depuis lors, chaque année, un jeune frêne est planté au square Riga et un « Prince » ou une « Princesse Carnaval » est élu(e) à l’issue d’un concours de culture générale et d’épreuves folkloriques (dégustations de bières à l’aveugle, tournois de mijole …) et remporte ainsi le privilège de saisir la marotte de bois à tête d’âne et de revêtir la cape et le couvre-chef verts. Hélène, nouvelle contributrice d’Ezelstad, nous livre ici quelque clichés de cette incontournable fête locale : son kitsch, son Pogge, ses bûûmedroegers et autres princes locaux.
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