Face aux difficultés que traverse le monde de la culture, il y a deux postures complémentaires : la résistance et la résilience. Claude Enuset a choisi la résilience. Il a décidé de développer une scène de théâtre à domicile, avec une certaine économie de moyens. Les 22 et 29 novembre 2014, Claude et Magda donneront deux représentations de l’oeuvre de Robert-Louis Stevenson : « Le cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde ».
Dimanche. 18.25. Je descends la chaussée de Haecht en direction du Lambermont. Je m’arrête à la hauteur de la rue Jacques Rayé, attache mon vélo à une balustrade et sonne à l’appartement du rez-de-chaussée. L’interphone crachote un « oui » interrogatif. Je donne mon nom. La porte s’ouvre. Je fais trois pas. Un homme me tend la main. Son nom : Claude Enuset. Il me souhaite la bienvenue et me fait signe de le suivre. En moins de cinq secondes, nous traversons lentement la cuisine, le salon et enfin la cour intérieure, qui donne accès à une petite arrière-salle.
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C’est petit. Mais, l’ensemble de ce rez-de-chaussée – exempt de de tout gaspillage d’espace – dégage un charme particulier. Face à nous, une porte. Nous la franchissons, passons par la scène et prenons place dans une petite pièce où se trouvent une vingtaine de chaises en bois, disposées en trois rangées de huit : c’est un lieu de spectacle. Claude et Madga, sa compagne, m’invitent à m’assoir. Curieux, je leur demande de me parler de l’histoire du lieu où nous nous trouvons, et de la raison pour laquelle ils ont voulu en faire une salle de spectacle, sans doute la plus petite de Bruxelles.
Claude est metteur en scène. Il a travaillé pendant plus de vingt ans dans le secteur de la culture, enchaînant les spectacles, au départ dans des petites structures, puis dans des lieux plus imposants, avant de revenir à ses premières amours. Entre 1988 et aujourd’hui, il a participé à de nombreuses productions théâtrales, en tant qu’assistant et interprète, puis en tant que metteur en scène et scénographe.
Face aux difficultés et aux doutes qu’il a traversés dans ce métier de metteur en scène, il a voulu pratiquer une forme de théâtre différente que celle que l’on trouve aujourd’hui dans les grands théâtres subventionnés : un spectacle avec une grande économie de moyen, mais aussi une certaine liberté, qui permet de mettre entre parenthèses les « recettes » et les codes et du théâtre conventionnel, comme la séparation entre la scène et le public. Pour Claude, ce théâtre de proximité est au théâtre conventionnel ce que la permaculture est à l’agriculture conventionnelle.
« Je m’intéresse depuis quelques temps à l’idée de la permaculture ; qui semble peut-être n’avoir rien à voir. La permaculture ce n’est pas que de l’agriculture : c’est une manière de se demander « que fait-on dans l’environnement qu’on a, et avec les moyens qu’on a, pour évoluer et vivre différemment ? » (…) Je me suis dit : chez moi j’ai une pièce, un endroit, que je n’utilise pas vraiment. Pourquoi est-ce que je ne transformerais pas cette pièce en un lieu d’accueil pour que l’on puisse partager des choses avec un public restreint ? »
Ce goût pour le théâtre de proximité l’a poussé, il y a quelques années, à participer au Zone Urbaine Théâtre – une expérience qui, faute d’argent, n’a duré duré que quatre ans. C’est ce même intérêt pour le théâtre de proximité qui le pousse aujourd’hui à réaliser et à interpréter un spectacle chez lui, dans sa cour intérieure. Il s’agit d’une interprétation du livre de Stevenson « Le cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde ». Je lui demande pourquoi il a choisi de revenir sur cette pièce de jeunesse, qu’il a mise en scène il y a plus de vingt ans ? Sa réponse : « C’est admirablement écrit… C’est le livre de ma vie ».
Lieu : « Cour Intérieure, compagnie de proximité », Rue Jacques Rayé, 1030 Bruxelles (en face du n°66, la porte brune entourée de Lierre) / Entrée : 10 EUR / Réservation : courinterieure14@gmail.com
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Par Mathieu