Dans le cadre du jumelage entre Beyoglu (Istanbul) et Schaerbeek, les autorités de la ville turque ont voulu offrir à la commune bruxelloise un symbole : une œuvre d’art à placer dans la « Petite Anatolie », près de la chaussée de Haecht. « Le 18 novembre 2003, le Consulat Général de Turquie propose que l’œuvre soit sculptée par le Directorat Général des Beaux-Arts dépendant du Ministère de la Culture et du Tourisme. L’œuvre arrive en 2005 au port d’Anvers » (source). Elle est inaugurée le 23 septembre 2006, à deux pas de la place Liedts, au croisement des rues Gallait, Rubens et Vandenmeersch.
Il s’agit de la statue de Nasreddine Hoca (prononcez Hodja) assis sur son âne : philosophe populaire turc connu pour son humour et ses enseignements absurdes. A peine huit ans après son inauguration, la statue en fibre de verre et en résine synthétique (bakélite) a malheureusement déjà bien souffert … Le service du patrimoine cherche depuis quelques temps à collecter les fonds nécessaire à sa rénovation. En attendant, je voudrais vous raconter une histoire de Nasreddine. A vous de me dire à quoi ou à qui cela vous fait penser.
Nasreddine était devenu juge à Akşehir. Un homme vint se plaindre d’un autre. « Tu as raison », lui dit-il, après l’avoir écouté. L’autre homme arriva le lendemain et raconta le contentieux à sa façon. « Toi aussi, tu as raison », répondit Hodja. Sa femme qui avait entendu les deux versions se scandalisa : « Hodja ! Quelle est cette justice ? Un juge qui donne raison à l’un, puis à l’autre ». Après avoir réfléchi un moment, Nasreddin se retourna vers sa femme et lui dit : « Chérie, toi aussi, tu as raison ! »
Ce qui est très troublant c’est qu’il existe à Schaerbeek une autre figure de la sagesse populaire – récemment sortie de l’oubli – qui est également représentée en compagnie d’un âne, et qui tranche également les confits en disant « vous avez tous raison ». Ce personnage, c’est bien entendu Pierre De Cruyer (1821-1890), alias Pogge.
En 1883, l’époque de son veuvage, il fréquenta plus assidûment les estaminets des environs et consommait inlassablement nombre de verres de Geuze ou de faro, en compagnie de son fidèle ami Jean Parici. Un soir de sa vie, notre héros, assis devant son porche attendait les visiteurs. Il « rendait souvent justice » à tous ceux qui recouraient à ses lumières , accentuant son irrévocable sentence par « Alles es just » (tout est juste), d’un invariable geste latéral du bras droit (source).
Troublant, n’est-ce pas ? Là-dessus, je vous laisse méditer quelques savoureux morceaux de sagesse du Bosphore.
Nasreddine se trouve dans un bateau en train de sombrer, tous les passagers écopent l’eau à l’intérieur du bateau et la déversent dans le mer. Tous sauf Nasreddine ! Nasreddine fait le contraire : il prend l’eau en pleine mer pour la déverser à l’intérieur du bateau. La capitaine lui dit : »Mais Nasreddine, tu es fou?! Tu va nous faire sombrer. C’est le contraire qu’il faut faire ». « Ah bon ? – répond Nasreddine – moi, pourtant, toute ma vie, on m’a appris à me mettre du côté du plus fort ».
Naseddine s’adresse à une foule venue écouter ses sermons. Il leur demande « Savez-vous ce que je vais vous dire »? L’assemblée médusée lui fait signe que non. « Je n’ai pas de temps à perdre avec de tels ignorants » s’écrie-t-il, avant de s’en aller aussi vite qu’il est apparu. La semaine suivante, Nasreddine monte en chaire et s’adresse à nouveau à l’assemblée. « Savez-vous ce que je vais vous dire? ». « Oui ! », répond la foule d’une seule voix. « Puisque je n’ai rien à vous apprendre – dit-il – je m’en vais ». La semaine suivante, les gens venus l’écouter se concertent. Quand Nasreddine montera sur sa chaire et posera sa question, l’assemblée lui répondra « Eh bien, Nasreddine, certains le savent, d’autres l’ignorent ». Nasreddine monte sur sa chaire, pose sa question. L’assemblée lui répond que certains savent et d’autres non. « Très bien – répond Nasreddine – que ceux qui savent instruisent ceux qui ne savent pas ».
Nasreddine traverse un fleuve en compagnie d’un grand professeur, un grand grammairien. Il demande à Nasreddine : « As-tu appris la grammaire? ». Nasreddine lui fait signe que non. « Eh bien, tu as perdu la moitié de ta vie » lui répond le grammairien. Nasreddine est vexé, mais continue à ramer en silence pour rejoindre l’autre rive. Soudain, le bateau se retrouve pris dans la tempête et se renverse. La grammairien s’agite, boit la tasse, appelle à l’aide. Nasreddine lui demande : « Tu n’as pas appris à nager? ». Le grammairien lui fait signe que non. Nasreddine lui répond: « Eh bien, tu as perdu toute ta vie ».
J’adore !
Commentaire de Françoise
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Cette statue a été vandalisée dès sa pose… elle ne plaît pas à grand monde toutes origines confondues… cet espace est inapproprié, il valait mieux ne pas amputer les entrées des rues Rubens et Vandermeersch par un espace « en béton », avec des bancs qui ne sont jamais occupés par les gens du quartier…Les enfants dont les parents attendent le tram, jouent et montent sur la statue… mieux vaut un petit espace vert, une aire de jeux…Esthétiquement, les matériaux de la statue et les pierres environnantes ne sont pas une plus value pour le quartier, mais un endroit enclavé qui laisse la place aux dépôts clandestins, des voitures s’arrêtent et balancent leurs détritus. Le stationnement, interdit au coin, n’est pas respecté, des gens vont faire leurs courses dans les commerces des environs en bloquant l’accès à la rue Vandermeersh pour les camions de Bruxelles propreté mais, plus grave encore, pour les camions des pompiers et les ambulances ce qui a déjà posé problèmes à plusieurs reprises..; parfois une voiture n’a pas le passage tant les véhicules débordent…. Quant à investir, autant repenser cet espace et poser la statue dans un parc public (Josaphat) ou sur une place beaucoup plus vaste… Si elle se veut le symbole d’une communauté, elle n’est pas perçue comme telle par toute la communauté turque qui y voit aussi, une stigmatisation du quartier… alors que bon nombre de communautés y vivent dans une citoyenneté toute schaerbeeckoise…